Les modes de preuve dans le droit du travail : un enregistrement clandestin est-il admis par les juges ?
- mariedegrivel
- 22 févr. 2024
- 2 min de lecture
Beaucoup de salariés souhaitent produire en justice des enregistrements de conversations effectués avec leur téléphone portable à l’insu de leur employeur, susceptibles d’apporter la preuve de leurs dires.
De la même manière, certaines sociétés ont pu enregistrer des salariés durant leur entretien préalable au licenciement de manière clandestine et souhaitent verser aux débats des déclarations spontanées démenties par la suite.
Dans la mesure où ces enregistrements ont été réalisés de manière clandestine, sans que les personnes enregistrées en aient été informées, peuvent-ils être produits en justice ?
Jusqu’en décembre 2023, la position de la Cour de cassation était constante : des preuves obtenues de manière déloyale ou illicite devaient automatiquement être écartées par le juge.
Or, dans un arrêt remarqué du 22 décembre 2023, la Cour a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que certaines de ces preuves pouvaient être considérées comme recevables.
Il convient de noter, toutefois, que les conditions posées par la Cour de cassation sont très strictes :
La preuve doit être indispensable pour prouver un fait, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’autres moyens de preuve possibles.
Exemple : l’enregistrement illicite de vidéosurveillance faisant apparaître un salarié en train de voler du matériel ou de boire de l’alcool sur son lieu de travail est écarté, si les vols ont déjà été démontrés par un audit de l’entreprise ou si l’alcool a été trouvé grâce à des fouilles.
L’atteinte à la vie privée doit poursuivre un but légitime, comme la protection de la clientèle de l’entreprise, et être proportionnée (seuls les extraits pertinents de l’enregistrement doivent être produits).
La nouvelle position adoptée par la jurisprudence, en ce qu’elle ne rend plus automatiquement irrecevable une preuve du fait de son caractère clandestin, est une avancée certaine dans le droit de la preuve.
Sa mise en œuvre, et notamment le contrôle qui sera opéré au cas par cas par le juge, et les conditions exigeantes qui ont été posées laissent néanmoins à penser que les preuves obtenues de manière illégale ne seront que rarement recevables, comme en témoigne un arrêt rendu en janvier 2024 par la Cour de cassation.
Il reste donc toujours préférable et conseillé de privilégier les preuves obtenues loyalement !
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